Droit Concret – Contrat-Cadre, Clauses abusives, Lésion.

Voir le cas.
1- Le contrat-cadre de fourniture de bière
En l’espèce, Mr S. a conclu avec son fournisseur un contrat-cadre avec une brasserie organisant les conditions de livraison de la bière dans son établissement. Il s’agit ici d’un contrat-cadre de la distribution. Le prix du contrat a été modifié par la brasserie afin de tenir compte de l’augmentation du prix de l’orge de 30%. L’absence de fixation préalable du prix est-elle régulière (A) et cette augmentation de prix est-elle abusive (B) ?
A-Le prix dans les contrats-cadre de la distribution.
-Un contrat-cadre est un contrat d’entreprise à exécution simultanée. Le régime de ces contrats a profondément été modifié par le juge. En effet, si, selon la jurisprudence prise en application de l’article 1591 du Code civil, tout contrat ne fixant pas de prix est déclaré « nul pour indétermination de son objet », il n’en est pas de même pour les contrats-cadres. 
Depuis 1995, les contrats d’entreprise entre fournisseurs et distributeurs sont conclu selon des prix indéterminés (Cass Ass Plé,1 décembre 1995, visa art 1134-1135). Cet assouplissement de la règle fortement attendu par les entreprises de la grande distribution reste cependant fortement encadré.
-En l’espèce, nous sommes bien en présence d’un contrat-cadre de la distribution qui lie Mr S. à son fournisseur de bière. La jurisprudence de 1995 y est donc applicable : le fournisseur est donc en mesure de modifier le prix indéterminé.
B-La régularité de la hausse du prix.
-Selon la jurisprudence de 1995 depuis confirmée, tout abus dans la fixation amènerai à la résiliation du contrat ou indemnisation du contractant. En application de l’article 1135 du Code Civil, il revient au juge de contrôler la fixation du prix. Les juridictions sanctionnent, comme abusives, les augmentations de prix pratiquées par un fournisseur qui abuse de son exclusivité ou méconnaissant l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi (Civ 1ère, 29 nov 1994).
-En l’espèce, le fournisseur a-t-il respecté son l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ? A priori oui : la hausse impacte celle du prix de l’orge et ne relève pas d’un abus de position dominante.
En conclusion, Mr S. n’a apparemment aucun moyen d’obtenir la résiliation de son contrat ou même des indemnités. Entamer une procédure est déconseillé.
2-Le contrat d’achat du logiciel.
En l’espèce, Mr S. a acheté un logiciel pour améliorer la gestion de son commerce. Le logiciel  ne s’installant pas, Mr F refuse tout remplacement en application d’une clause particulière du contrat. Avec l’aide d’un expert informatique, Mr S. apprend qu’on lui a vendu une copie pirate. Deux questions sont ici soulevées : la clause invoquée par le vendeur est-elle abusive (A) et le contrat peut-il être annulé pour illicéité de son objet (B) ?
A-La clause abusive
-Selon l’article L.132-1 du Code de la Consommation, sont abusives les clauses qui, conclues entre professionnels et non-professionnels, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
La notion de professionnel est entendue de manière large par la jurisprudence, comme toute personne n’étant pas un simple consommateur : la règle ne s’applique donc pas pour des contrats conclus entre société commerciales (Civ 1ère, 11 décembre 2008).
-Dans le cas présent, nous sommes assurément face à une clause abusive : une clause indiquant qu’en cas de défaut du produit le client ne peut obtenir ni échange, indemnité ou remboursement créée clairement un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Cependant, l’article 132-1 du Code de la Consommation ne s’applique malheureusement pas ici : Mr S. n’a pas acquis le logiciel en tant que simple consommateur, mais dans le cadre de son activité commerciale (ex : exclusion des contrats de vente d’un logiciel de gestion du fichier clientèle ; Civ 1ère, 30 janvier 1996).
B-L’illicéité de l’objet.
Pour autant, Mr S. dispose d’un second moyen de faire annuler cette vente. En effet, le logiciel est une copie piratée. La preuve en est donnée par un expert informatique.
L’objet du contrat (le logiciel) peut donc être considéré comme illicite car étant une contrefaçon, il se situe hors commerce. Par conséquent, en application de l’article 1128 du Code Civil, peut être annulé pour absence d’objet.
-Mr S. est donc ici en mesure de demander – au moins – l’annulation de la vente pour défaut d’objet.
Cependant, rien n’interdit d’évoquer aussi la clause abusive, un tribunal ayant considéré que n’était pas exclu un contrat d’achat de logiciel de gestion comptable permettant au professionnel de se passer d’expert comptable (Toulouse, 9 janvier 1996) quoique la Cour de Cassation aie rejeté le pourvoi.
3-Le contrat d’achat de l’ordinateur
En l’espèce, Mr S. a acheté un ordinateur pour son fils. Or, l’ordinateur livré ne correspond pas à celui commandé. Cependant, en application d’une clause particulière du contrat, le vendeur refuse de le remplacer : la clause invoquée par le vendeur est-elle abusive (A) et le contrat peut-il être annulé pour absence d’objet (B) ?
A-La clause effectivement abusive
Ici, Mr S. est intervenu en tant que simple consommateur. Les règles du code de la consommation relative aux clauses abusives sont donc applicables.
Selon l’article L.132-1 § 3 CC, toute clause modifiant ces éléments est réputée abusive. De plus, en application de l’article L.132-2 § 6 CC, toute clause permettant la modification unilatérale du contrat est réputée abusive.
En l’espèce, ladite clause modifie unilatéralement l’objet du contrat. Elle peut donc être considérée comme abusive et réputée non-écrite. Mr S. est donc en droit d’exiger le remplacement de l’ordinateur par celui souhaité par son fils.
B-L’absence d’objet
En livrant un ordinateur que le fils de Mr S n’aurait jamais souhaité acheter, le vendeur n’a pas respecté sa volonté.
En application de l’article 1129, l’objet du contrat doit être déterminé. Or, la clause dont le caractère abusif a été démonté, laisse bien l’objet indéterminé. Par conséquent, il n’est même pas besoin de démontrer que la clause était abusive pour obtenir l’annulation du contrat.
4-La lésion
En l’espèce, Mr S. a cédé un local pour un prix près de 3 fois inférieur à son prix réel. Peut-il invoquer la lésion afin d’obtenir la rescision de la vente ?
A-La présence d’une lésion.
Selon l’article 1674 du Code Civil, la lésion n’est reconnue que lorsque le manque à gagner est d’au-moins 7/12 de la valeur du bien, c’est-à-dire 70 000 euros si l’on applique la règle à l’affaire.
Or, Mr S. a été lésé de 75 000 € si l’on en croit le promoteur. Il serait donc en mesure d’invoquer une lésion.
B-Une rescision difficile à obtenir.
Même si Mr S. parvenait à prouver qu’il a bien été lésé sur cette vente, il aura beaucoup de difficultés à obtenir la rescision, car il a clairement opéré, envers Mr F. une libéralité en vendant le bien à ce prix.
En effet, la Cour de Cassation considère que l’action en rescision est irrecevable lorsque le vendeur a voulu, dans un esprit de libéralité, fixer un prix relativement modique (Civ 1ère 16 juillet 1959).
En l’espèce, Mr S. a cédé le local pour « sortir Mr F. d’une mauvaise passe financière ». Cet élément, qui devra être apprécié par les juges du fond, risque fort d’être favorable à Mr. F.
Mr S est donc ne mesure de demander la lésion, mais pas d’obtenir aisément la rescision.
Comments
One Response to “Droit Concret – Contrat-Cadre, Clauses abusives, Lésion.”
  1. BBjuriste dit :

    Vraiment très claire et précis ,merci beaucoup.

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